Commentaires sur la statistique des naissances hors mariage      

Jusqu'à 1996, l’article 20 du chapitre V du décret (Ukaz) du Présidium du Soviet Suprême du 8 Juin 1944  interdisait aux mères non mariées d'intenter une action civile contre le père de son enfant pour versement d'une pension alimentaire et pour la reconnaissance de la paternité.  En outre, dans l’acte de naissance d’un enfant, dont les parents n’étaient pas mariés, la ligne « information sur le père » restait obligatoirement vierge. Jusqu'à 16 ans, âge auquel le passeport national interne était délivré, un tel enfant était donc considéré comme « illégitime». 

La Code de la famille et du mariage mis en vigueur le 1er novembre 1969 a autorisé les parents non mariés à remplir cette ligne, qu'ils en expriment tous deux le souhait, ou que seule la mère en exprime le souhait et fournisse l’information; dans ce dernier cas la mère ne pouvait pas prétendre obtenir une pension alimentaire de la part de la personne qu’elle avait désigné comme étant le père, dans l'acte de naissance.

Jusqu'à cette date la statistique d’état civil distinguait deux catégories des naissances: les enfants nés dans un mariage légitime et les enfants dont l'acte de naissance ne donnait pas d'information sur le père. Le total de ces deux catégories coïncidait avec le nombre de naissances vivantes enregistrées.  Mais, à partir de 1960,  leur total est devenu inférieur au nombre total de naissances enregistrées tout état civil des parents confondu. En interprétant, sous certaine réserve, cette différence comme le nombre de naissances issues d'une union libre (ou encore de couples cohabitants), on peut donc estimer la proportion des femmes cohabitantes parmi celles qui accouchent d'un enfant vivant. A partir de 1988 la statistique soviétique contient une troisième catégorie, les  « enfants nés d'une mère non mariée, enregistrés selon la demande conjointe des deux parents ». A nouveau, le total de cette catégorie et des deux précédentes coïncide avec le nombre total de naissances vivantes.  Ces changements de législation et dans la statistique fournissent le cadre d’interprétation de la dynamique des naissances hors mariage en Russie.

Proportion des naissances hors mariages enregistrées selon le demande de la mère et
selon le demande des deux parents parmi l'ensemble des naissances vivantes. Russie, 1959-1996

naissances hors mariageEn 1959 la proportion de naissances hors mariage parmi toutes les naissances vivantes est de 14%  (12% dans la population urbaine et 16% dans la population rurale). Elle diminue ensuite pour atteindre, vers la fin des années 1970, son niveau minimal : 11% (9% dans les villes et 14% dans les campagnes), puis elle reprend une tendance ascendante, pour atteindre 21% en 1995. Le début de la croissance de la proportion des naissances hors mariage coïncide avec l’augmentation de la natalité du début des années 1980, résultant  de l’augmentation des naissances de deuxième, troisième et quatrième rangs, ainsi que de la rapide propagation des contraceptifs modernes (en particulier les stérilets).

Après 1987, quand la natalité commence à décliner  en Russie, la croissance de la proportion des naissances hors mariage s’accélère,   en particulier dans les villes. Si, durant presque toute la période d’observation, la proportion des naissances hors mariage dans la population rurale était plus élevée que dans la population urbaine, ces deux proportions deviennent identiques en 1995. 

 La proportion des naissances reconnues par les deux parents, qui ne sont pas mariés légalement,  donne une idée de l’extension des unions stables, que l'on peut considérer comme une cohabitation véritable, parmi les femmes mettant au monde un enfant. En effet, un homme, qui s’est déclaré comme le père de l'enfant dans un acte de naissance, accepte  ainsi la responsabilité juridique de l'enfant, et peut théoriquement être obligé de payer un pension alimentaire pour cet enfant. De 1969 à 1995 la proportion des naissances reconnues par les deux parents oscille entre 35 et 50% parmi tous les naissances hors mariage, et le niveau moyen durant un dernier quart de siècle est de l'ordre de 39% pour la population urbaine et de 49% pour la population rurale. 

 

Alexandre Avdeev
(Centre d'études démographiques - Université de Moscou (MGU))